En Finlande, quand vient l’été, il faut tondre la pelouse. Pour certain·es, c’est un travail. Pour d’autres, c’est une corvée. Que ça vous plaise ou non, il va bien falloir passer la tondeuse…

Réalisation : Otso Alanko
Image : Jukka Moisio
Son : Joonatan Hietanen, Mika Miettinen
Montage : Matti Näränen, Joni Aapaoja
Musique : Veera Nummi
Production : Kameron Oy

Interview

Otso Alanko | 99.media

Otso Alanko Réalisateur

“Tondre la pelouse, c’est un truc que personne n’apprécie vraiment… Bien qu’il y ait quelques personnes qui, bizarrement, adorent ça !”
  • Peux-tu te présenter en quelques mots, Otso ?


Je suis Otso, je viens de Finlande. J’adore faire des films et j’essaie de payer mes factures grâce à cette passion, même si ce n’est pas toujours facile… Je suis aussi un grand fan de musique punk, de Chaplin et de football. Je vis à Helsinki dans un petit appartement, j’adore le sauna (évidemment !) et, en ce moment, j’apprends à nager le crawl.

The Trim 03 | 99.media
  • Comment est né ton intérêt pour… la tonte de pelouse ?


Comme vous le savez, la Finlande est l’un des pays les plus au nord de l’Europe. Ici, nous avons des étés très courts avec de longues heures de lumière, alors qu’en hiver, tout est sombre et un peu déprimant. Donc l’été, c’est vraiment le moment où les Finlandais revivent et profitent de la vie !

Pendant l’été, tout devient vert ici, et beaucoup de gens possèdent des maisons avec des jardins ou des résidences à la campagne. Entretenir son jardin devient ainsi une tâche importante, que beaucoup prennent à cœur pour impressionner (ou surpasser) leurs voisins. Donc tondre la pelouse, c’est quelque chose que tout le monde connaît. C’est l’un de ces trucs que personne n’apprécie vraiment, bien qu’il y ait quelques personnes qui, bizarrement, adorent ça ! J’ai pensé que ce serait un sujet amusant et universel pour un film.

“Un bon court métrage documentaire doit t’offrir quelque chose de nouveau. Soit visuellement, soit en te faisant découvrir une histoire que tu ne connaissais pas.”
  • Comment as-tu trouvé les personnes qui apparaissent dans ton film ?


Nous avons réalisé ce film pendant la pandémie, donc trouver des gens a été un défi. Nous avons fait appel à nos amis et à nos familles pour qu’ils nous recommandent des personnes susceptibles de correspondre au film.

Nous avions une idée claire de ce que les personnes devaient faire : tondre leur pelouse comme ils le font normalement. Au montage, on s’est concentré sur les bons moments, et nous avons pensé que les différents paysages fonctionneraient ensemble si les scènes s’enchaînaient bien.

The Trim 04 | 99.media
  • Ton utilisation du montage et de la musique donne au film une atmosphère comique. Peux-tu nous parler de ton approche, dans le fond et dans la forme ?


J’ai réalisé un bon nombre de documentaires d’observation, où la caméra suit juste le personnage principal. Pour ce projet, je voulais me lancer un défi et faire quelque chose de plus visuel. J’adore la photographie méthodique et les plans plein cadre, car il y a tellement de détails à explorer. Le concept de base, c’était de filmer des plans statiques et cinématiques, puis de les répéter dans différents lieux.

Au départ, j’avais imaginé une intro et une conclusion façon pub, avec au centre des plans larges statiques, mais ça ne fonctionnait pas au montage. Heureusement, mon brillant monteur, Matti Näränen, a su mélanger les séquences pour créer quelque chose de plus dynamique.

Sur le terrain, j’étais assez strict sur le fait de ne pas filmer de séquences inutiles, mais notre chef opérateur, Jukka Moisio, était tellement enthousiaste à l’idée d’utiliser des objectifs anamorphiques qu’il a filmé plus que prévu, et… heureusement ! Le film a évolué naturellement et a pris des tournants inattendus, ce qui est habituel pour un documentaire.

Parmi les films qui m’ont inspiré, il y a Kansakunnan olohuone (« Le Salon de la Nation ») de Jukka Kärkkäinen, qui filme six Finlandais dans leurs salons, ainsi que The Guitar Mongoloid, le premier film de Ruben Östlund. En général, j’adore le travail de Roy Andersson, Aki Kaurismäki (en voilà une surprise !), et bien sûr Ruben Östlund. Mais pour moi, Chaplin est l’artiste ultime.

The Trim 01 | 99.media
  • On voit de plus en plus de courts métrages documentaires finlandais dans les festivals. Beaucoup partagent un humour pince-sans-rire et une certaine autodérision.


C’est vrai ! Nous, les Finlandais, on a clairement un sens de l’humour assez sec. Taquiner ses amis et sa famille, c’est presque une façon de montrer qu’on les aime. Donner des compliments directs, c’est pas trop notre truc. Je pense que ça reflète beaucoup la mentalité finlandaise. On se prépare toujours au pire, et il y a constamment une sorte de honte qui traîne, sûrement parce qu’on nous éduque à être des gens « respectables ». Peut-être que c’est pour ça qu’on aime rire de tout ça aussi. Bien sûr, j’ai envie de me concentrer sur des choses positives et de répandre de l’amour, mais bon, je suis Finlandais, c’est dans ma nature !

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  • Quelle est ta vision du court métrage documentaire ? Qu’est-ce qui rend ce format si particulier ?

 

En tant que passionné de narration, j’aime toute forme qui te permet d’être créatif et de toucher les gens à travers une histoire. Mais je trouve que les courts documentaires sont particulièrement difficiles. Dans les longs métrages, tu as le temps d’aller dans les détails. Dans un format court, tu dois être concis, et ça te donne plus de liberté pour explorer des expressions artistiques et prendre des risques sans avoir à tout expliquer au public.

Pour moi, un bon court documentaire documentaire doit t’offrir quelque chose de nouveau. Soit visuellement, soit en te faisant découvrir des histoires que tu ne connaissais pas. Pas besoin de raconter une histoire énorme, mais ça doit être intéressant. Il n’y a pas d’ingrédients secrets, mais une bonne histoire a toujours un début, un milieu et une fin. Mais peut-être pas dans cet ordre !

  • Quels sont tes projets à venir ?


En ce moment, je suis en train de monter mon premier long métrage documentaire sur l’équipe nationale de cricket la plus nulle du monde : celle de Finlande. Le truc marrant, c’est qu’aucun des joueurs n’est finlandais ! Mais en creusant un peu, c’est surtout une histoire d’immigration et d’amitié.

On tourne aussi un autre projet sur un ancien punk qui s’occupe de son fils de 30 ans. Il est aussi punk que lui, il est handicapé et doit emménager dans son propre appartement. C’est une histoire douce-amère et drôle sur le lâcher-prise et l’indépendance.

À part ça, je travaille sur des pubs et d’autres projets visuels, donc si jamais vous avez besoin d’un coup de main, faites-moi signe !

  • Y a-t-il un film en particulier qui a attiré ton attention sur 99 ?


J’ai été très content de découvrir « En suspens » et « Chez Fifi Coiffure ». J’ai aussi beaucoup aimé « Pas de pleurs à table », dont j’ai apprécié le côté humain. La variété des films que vous proposez est impressionnante. Super boulot !

  • Que penses-tu du fait que ton film est sous-titré en plusieurs langues ?


Je me sens vraiment privilégié que mon film soit accessible à un si large public, et gratuitement en plus ! On a fait ce film avec zéro budget, donc le fait qu’il ait été sélectionné dans plusieurs festivals et maintenant sur 99, c’est juste incroyable. Je suis aussi fier que mon travail soit présenté aux côtés de réalisateurs aussi talentueux. Ça me rend fier de ce qu’on a accompli. Merci beaucoup pour cette opportunité !

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